Site non officiel du Squale.

Banc d’essai paru dans SVM n°15 (mars 1985), pp. 48 et 49.
Republié avec l’aimable autorisation de Michel de GUILHERMIER et de Petros GONDICAS

LE SQUALE

L’arrivée d'un prématuré

Apollo 7, une petite société française qui se lance dans la micro-informatique familiale, présente une machine surprenante : le Squale. Doté de caractéristiques uniques - un Basic étonnant, un graphisme excellent, un modem incorporé -, le Squale souffre de lacunes graves, notamment du côté de la documentation et de l'environnement. Le tout laisse une forte impression d'inachevé.

DISONS LE TOUT NET : LE constructeur du Squale semble avoir sorti sa nouvelle machine en catastrophe, après avoir été beaucoup trop optimiste sur les délais de mise au point. Cela explique que de nombreuses possibilités du Squale, parmi les plus prometteuses, soient partiellement ou totalement inexploitables au moment présent, faute de documentation, d'accessoires ou de logiciels. Cela explique aussi qu'il soit impossible de porter un jugement définitif sur la machine, avant que ces lacunes ne soient comblées. Mais enfin, le Squale est en vente, et même en supposant le retard rattrapé, il offre un portrait tout à fait inhabituel. Pour 3 450 F, il présente un aspect très sérieux avec son boîtier en métal, son beau clavier mécanique et son alimentation incorporée. Le boîtier métallique est signe que le constructeur ne s'attend pas à de très fortes ventes : contrairement aux apparences, en effet, en dessous d'un certain niveau de production, il revient moins cher d'utiliser le métal plutôt que de construire un moule pour des boîtiers en plastique. La construction du Squale trahit ses origines, celles d'une société d'électronique, plus que d'informatique : un clavier boulonné à l'intérieur, une impressionnante rangée de connecteurs fixés par des rivets métalliques. Avantage : la solidité. Inconvénient ; des réparations difficiles. Pour ouvrir le Squale, il faut détruire les rivets à la perceuse, et se battre contre des câbles en nappe trop courts.
Le toucher du clavier est proche de celui de nombreuses machines professionnelles, mais il souffre de bizarreries d'autant plus regrettables qu'elles ne se justifient par aucune économie. La pente excessive, d'abord, qui en dépaysera beaucoup. L'absence d'accents, ensuite, ce qui est tout de même facheux sur une machine française. La taille de la touche RETURN, aussi, exactement de la même dimension que les autres. Sa position, enfin, à côté de la touche d'effacement, et surtout à proximité de la touche RESET, qui sans la moindre protection, vide entièrement la mémoire.
Autre point à déplorer, le Basic figure sur une cassette (en compagnie du système d'exploitation Flex 09), qu'il faut charger avant chaque utilisation. C'est une solution désormais dépassée. Le constructeur promet d'ailleurs, dans le futur, un Basic sur cartouche de mémoire morte, qui se branchera au fond de la trappe caractéristique qui forme une bosse à droite du Squale.
Il faut rentrer à l'intérieur de l'ordinateur pour en découvrir véritablement les qualités. Le microprocesseur est le très bon 6809, le même que celui du MO 5 de Thomson. La mémoire vive totale est de 92 Ko, ce qui place le Squale en tête des familiaux, sur le papier du moins. Car, en réalité, si on ôte les 4 Ko du moniteur-chargeur résident, les 28 Ko occupés par le Basic et le système d'exploitation Flex 09, et les 32 Ko consacrés au graphisme, il ne reste que 28 Ko pour la programmation.
Cela dit, si le graphisme occupe 32 Ko, c'est qu'il les mérite. Avec une définition de 256 x 256 points (l'image est curieusement carrée, contrairement aux autres ordinateurs), 16 couleurs belles et nettes, et surtout des points adressables individuellement, sans aucun conflit de proximité en ce qui concerne la couleur, le Squale surpasse la plupart de ses concurrents, qu'ils s'appellent MO 5, MSX, Oric Atmos ou même Amstrad et Sinclair QL. Les instructions disponibles ne sont pas en reste. Outre les habituels tracés de droites ou de cercles et le coloriage d'une surface fermée, le Squale vous offre DRAW, véritable macro-instruction de dessin qu'on ne retrouve, à notre connaissance, que sur les MSX et sur l'IBM PC Junior : elle permet de coder une figure entière dans une seule chaîne alphanumérique. On peut aussi, sur un dessin, écrire un texte de hauteur et de largeur variables, verticalement ou horizontalement. Le tout manque hélas un peu d'animation : il n'y a ni caractères redéfinissables ni motifs graphiques programmables ("sprites").
Après le graphisme, le son. Là on tombe d'un seul coup dans le grand trou noir de la documentation auquel nous faisons allusion plus haut. D'après Apollo 7, le Squale dispose d'une instruction PLAY, qu'on fait suivre d'une chaîne de caractères indiquant la durée, le tempo, la hauteur et l'amplitude du son. Or, le manuel ne souffle pas un mot des possibilités sonores. D'ailleurs, "manuel" est un bien grand mot pour ce méchant opuscule de 8 cm de large sur 15 de haut. Pas de carte-mémoire ni de liste des variables-système, bien sûr, mais aussi des oublis purs et simples : l'instruction FILL n'est pas mentionnée. Pour en revenir au son, nous n'avons pu tirer la moindre note du Squale, même en utilisant l'instruction et les paramètres indiqués par le constructeur. Espérons que les Squale de série pourront au moins faire "bip"...
Le reste du Basic possède une petit défaut et de grandes qualités. Le défaut : il est lent, bien plus lent que ses concurrents, notamment dans le calcul et l'affichage des textes sur le format 25 x 40. En revanche, il est très rapide pour le traitement des chaînes de caractères et les dessins de figures géométriques. Les qualités : il est très complet, avec 125 instructions, et trois caractéristiques particulièrement intéressantes : la possibilité de créer des procédures avec variables locales, l'instruction LABEL pour donner un nom à une ligne Basic, et surtout l'extraordinaire EXECUTE qui exécute un ordre contenu dans une chaîne de caractères. Par exemple, EXECUTE "10 PRINT A" créera la ligne 10 PRINT A... En couplant EXECUTE à INPUT, on peut obtenir un puissant outil de génération automatique de programmes.
L'éditeur, sans être pleine page, est simple et relativement efficace. Mais on déplorera l'impossibilité d'insérer des caractères, défaut que l'on retrouve sur l'Atmos. Le système d'exploitation, qui devrait permettre l'emploi de lecteurs de disquettes, est le Flex 09. Il est peu répandu, si ce n'est sur les ordinateurs professionnels de Goupil (le Basic, lui aussi, a été adapté d'un Basic réalisé pour Goupil).
Le Flex 09 cependant possède ses défenseurs, et il permet des fichiers à accès direct, ce qui n'est pas le cas de tous les ordinateurs familiaux à lecteurs de disquettes. L'instruction DIM # permet même de déclarer des tableaux virtuels, semblables aux tableaux normaux déclarés par DIM, à l'exception du fait qu'ils résident sur la disquette. Notons que, d'ici à cce que le lecteur de disquettes soit disponible, la sauvegarde doit se faire sur un magnétophone standard : mais il manque les insctructions VERIFY, pour vérifier la qualité de l'enregistrement, et MERGE, pour chaîner deux programmes.
Pour en revenir à l'électronique, le Squale est le seul ordinateur familial disponible en France à posséder un modem incorporé. Il s'agit d'un circuit intégré EFB 7510 de Thomson. Il travaille à une vitesse de 1 200 bauds en half-duplex ou comme un Minitel à la vitesse de 75 bauds à l'émission et 1 200 bauds à la réception. Ce modem donne un bon rapport qualité-prix au Squale, car, acheté dans le commerce, il vaudrait certainement plus de 1 000 F. En revanche, dans l'état où nous avons testé la machine, il n'était pas opérationnel : pas de cordon pour relier le connecteur modem à une prise téléphonique, pas la moindre documentation sur la façon d'exploirer le logiciel de communication qui, dit le constructeur, est incorporé à la machine. Côté périphériques et logiciels, le tableau est simple : rien.
Certes, Apollo 7 annonce une liste d'une dizaine de périphériques, avec des choses aussi exotiques qu'une carte horloge ou une interface IEEE 488. Certes, il annonce une liste d'une trentaine de logiciels, dont 7 éducatifs de Hatier, 7 jeux d'aventure, un traitement de texte, un jeu d'échecs. L'ennui est que cette liste est exactement la même que celle qui avait été annoncée en... août dernier, pour le mois de septembre.
Manifestement, le Squale a été mis sur le marché trop tôt. Ses concepteurs ont privilégié certaines caractéristiques, certes impressionnantes, au détriment des logiciels et de la documentation, pourtant indispensable. Une Rolls a beau être une somptueuse voiture, si vous lui enlevez les roues, elle est moins utile qu'une 2 CV. Attendons que le Squale grandisse...
Michel de GUILHERMIER
Petros GONDICAS

MATÉRIEL TESTÉ
Machine de pré-série avec clavier AZERTY.
Prise Péritel et manuel en français.

Caractéristiques
Microprocesseur : 6809 à 1 MHz
Système d'exploitation : Flex 09 (sur cassette, livré).
Mémoire :Vive : 92 Ko dont 27 disponibles. Morte : 4 Ko pour le moniteur résident. Annoncé : extension de 256 Ko.
Mémoire de masse :Magnétophone standard. Annoncés : lecteurs de disquettes 5 1/4 pouces de 160 ou 320 Ko (2 700 F) ; cartouche 256 Ko de RAM (d'ici 2 mois).
Affichage : Téléviseur Péritel. Texte : 25 lignes de 40 colonnes. Graphisme : 256 x 256 points, 16 couleurs par point.
Clavier : AZERTY sans caractères accentués, 55 touches mécaniques.
Son : 3 voies, 5 octaves.
Interfaces : Magnétophone, 2 manettes de jeu, téléphone, Centronics, crayon optique, bus d'extension SS30. Annoncé : IEEE 488 (4 700 F), carte analogique-numérique (1 080 F).
Périphériques : Modem incorporé. Annoncés : manettes de jeu (140 F) boîtier d'extension (1 100 F), imprimante couleur (2 000 F), imprimante N/B (3 000 F), carte horloge (640 F), synthétiseur de parole (2 000 F), crayon optique.
Logiciels : une trentaine annoncée : 17 jeux d'arcade, 7 logiciels éducatifs Hatier, traitement de texte, agenda, gestionnaire de fichiers, utilitaire de dessin, 7 jeux d'aventure et 4 jeux de réflexion dont Echecs et Othello.
Langages : SBasic (sur cassette livré), Logo, Forth, Pascal et Assembleur.
Dimensions/poids/alimentation : 50 x 17,5 x 10 cm/3 kg/Alim. intégrée 220 V avec interrupteur.
Distributeur : Apollo 7, 60 rue de l'Est, 92100 Boulogne. Tél. : (1) 605.24.95.
Prix : 3 450 F T.T.C.

SVM APPRÉCIE
- Le Basic, très complet, très original
- La solidité de la construction
- Le modem incorporé
- L'alimentation incorporée

SVM REGRETTE
- La disposition aberrante du clavier
- La présence du Basic sur cassette
- Le soin insuffisant apporté au manuel et aux logiciels
- Le manque d'homogénéité dans la conception

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